Jan et Véronique de Laere, spécialistes du sujet, viennent de publier une somme sur le dry needling. L'objectif est d'aider leurs confrères à pratiquer en toute sécurité la puncture sèche kinésithérapique.

Kiné actualité : Pourquoi avez-vous écrit ce livre ?
Jan de Laere : Il y a 30 ans, nous nous sommes intéressés au concept des points trigger myofasciaux (PTrM), nous l´avons pratiqué et ensuite, convaincus de son intérêt en kinésithérapie aussi bien au moment du bilan que du traitement, nous l´avons enseigné. Dès 2011, lors de nos premières interventions sur le dry needling au sein de nos formations en thérapie manuelle neuro-orthopédique, une évidence s´est imposée à nous. Les stagiaires nécessitaient un ouvrage de référence, une aide au diagnostic du syndrome myofascial douloureux (SMD) et à la pratique de son traitement en dry needling dans des conditions optimales de sécurité.

Après l´écriture d´un premier livre sur le concept des points trigger myofasciaux, leur diagnostic et traitements manuels édité en 2018, encouragés par l´intégration de la pratique du dry needling par le Conseil national de l´Ordre des masseurs-kinésithérapeutes (CNOMK) au domaine de compétence de nos consoeurs et confrères, nous avons décidé de compléter notre premier ouvrage par un deuxième tome consacré à la description détaillée de cette pratique mini-invasive. Nous pensions qu´en dehors des formations, la meilleure façon de contribuer plus largement au développement d´une pratique sécurisée de la puncture sèche kinésithérapique dans les pays francophones était de proposer un ouvrage exclusivement consacré au dry needling rédigé en français.

La littérature sur le dry needling est-elle conséquente ?
Depuis les années 2000, différentes équipes de chercheurs se sont intéressées aux mécanismes d´action, aux protocoles, aux effets… du dry needling des points trigger myofasciaux. Cette technique s´est développée à l´initiative de thérapeutes anglophones, espagnols et germanophones. Parmi les 800 articles scientifiques que nous avons consultés, bien qu´il y ait beaucoup d´auteurs Espagnols, la plupart est rédigée en anglais. Il existe très peu d´articles et actuellement aucun livre de référence en français.

À qui votre livre est-il destiné ? Uniquement aux masseurs-kinésithérapeutes, ou aussi à d’autres professions ?
En juin 2017, le CNOMK a décidé d´émettre un avis positif sur la pratique du dry needling par les masseurs-kinésithérapeutes formés au concept des PTrM, à condition qu´ils aient suivi un cursus de minimum 7 jours en puncture sèche kinésithérapique, au sein d´un organisme de formation détenteur de la charte de déontologie et de qualité et aient obtenu le certificat de compétence. Notre ouvrage leur est avant tout destiné.

Cependant, aujourd´hui cette pratique suscite l´intérêt d´autres professionnels de la santé et/ou du sport : les médecins traitants, les médecins spécialisés en médecine de la douleur souvent anesthésistes, ainsi que ceux spécialisés en médecine du sport, les ostéopathes, les chiropracteurs et les masseurs médicaux, ceux-ci ont déjà manifesté leur intérêt pour notre livre.

Comment l’avez-vous construit ?
Nous avons opté dans cet ouvrage comme dans le précédent pour une forme clinique, servie par un découpage en 19 chapitres qui traitent chacun d´un syndrome de l´appareil locomoteur. L´ensemble représente la majorité des "pathologies" rencontrées en cabinet de kinésithérapie, il s´agit par exemple des cervicalgies, du tennis elbow, des sciatalgies, des pubalgies… Dans chaque chapitre, nous passons en revue la littérature actuelle spécifique à la pathologie concernée et nous développons en détail le traitement des muscles les plus souvent impliqués.

Pour chacun d´eux, nous présentons sous forme de tableaux les éléments utiles d´anatomie, les techniques de repérage musculaire, les structures à éviter lors de la puncture, la position du patient, la prise du thérapeute et les dimensions de l´aiguille. Des dessins illustrent les rapports topographiques entre les muscles et les paquets vasculo-nerveux et des coupes transversales aident à visualiser la direction de l´aiguille et permettent ainsi de minimiser les risques de lésions vasculaires et nerveuses.

Qu’y trouve-t-on ?
Un préambule consacré aux derniers développement scientifiques, aux actions physiologiques, aux différents protocoles de puncture, aux consignes de sécurité à respecter lors de la pratique de la puncture des PTrM, aux incidents et accidents, à leur prévention et à la conduite à tenir au cas où ils se produisent.

La plus grande partie de l´ouvrage est constituée de la description détaillée du protocole de puncture pour chaque muscle impliqué dans le syndrome myofascial douloureux traité : position(s) du patient, taille(s) de l´aiguille, orientation(s) de la puncture, type de puncture et structures à éviter ainsi que leur repérage.

Vous y trouverez aussi la localisation des points trigger neuraux à ne pas confondre avec les points trigger myofasciaux, ainsi qu´une bibliographie actuelle de 800 articles et de plus de 70 livres.

Qu’apporte-t-il de neuf sur le sujet ?
Relativement peu de livres ont été écrits sur le sujet et actuellement aucun autre en français.

Nos origines et notre parcours professionnel nous ont amené à acquérir des connaissances solides en anglais, espagnol et allemand. Cela nous a facilité l´accès à la littérature scientifique internationale et nous a permis d´en faire une synthèse pour nos collègues francophones.

La visualisation de l´anatomie topographique est un des point clé pour la compréhension de l´orientation de l´aiguille au cours de la puncture, c´est pourquoi nous avons opté pour de grands dessins et des coupes anatomiques transversales. Les photographies des techniques se devaient elles aussi d´être lisibles, nous avons donc décidé de consacrer une page entière à chaque technique : photo et description détaillée de la technique y compris les structures à éviter.

La recherche précise des structures à éviter pour chaque PTrM puncturé a représenté une partie importante et originale de notre travail.

Étant aussi spécialisés en thérapie manuelle neurodynamique, il était pour nous évident de décrire les points trigger neuraux à ne surtout pas puncturer.

En résumé, mis à part l´actualité des informations scientifiques, l´originalité de notre ouvrage relève de l´objectif que nous nous sommes fixé, à savoir aider nos consoeurs et confrères dans leur pratique quotidienne et sécurisée de la puncture sèche kinésithérapique.

J’ai l’impression qu’il y a beaucoup d’illustrations : c’était nécessaire pour vous ?
La pratique du dry needling requiert avant tout une bonne connaissance des structures anatomiques. Les risques inhérents au passage de la barrière cutanée existent. C´est pourquoi nous avons privilégié l´iconographie, au service des repérages et d´une vision tridimensionnelle de l´anatomie topographique. Pour optimiser la lisibilité, nous avons accordé une place prépondérante aux photographies des techniques. La description et les illustrations détaillées des relations neuro-musculaires ainsi que les coupes anatomiques transversales favorisent la compréhension du placement des aiguilles en fonction des structures à éviter lors de la puncture.

Vous avez écrit ce livre à 4 mains. Comment vous êtes-vous réparti les tâches ?
Nous sommes tous deux passionnés par la transmission, ce qui nous a poussé à réfléchir à la meilleure façon d´aider nos consoeurs et confrères à pratiquer cette technique dans des conditions optimales de sécurité. Nous nous sommes inspirés des besoins évoqués par nos collègues au cours de nos formations. Après avoir défini les objectifs, les stratégies pédagogiques et la structure du livre ensemble, nous nous sommes répartis les tâches. Mon épouse a surtout travaillé les textes et moi l´iconographie, mais l´interaction était permanente. Dès que Véronique pensait à un dessin permettant de mieux comprendre une technique, je m´attelais à sa réalisation et si j´avais lu des articles pertinents parus le jour même, aussitôt elle en rédigeait la synthèse. La phase des multiples relectures fut de nouveau un travail commun, assis côte à côte.

Vous êtes-vous appuyé sur d’autres publications sur le dry needling ?
Comme je l´ai déjà évoqué, peu de livres consacrés au sujet existent. Nous avons bien sur consulté les livres écrits par Jan Dommerholt, qui a, et nous l´en remercions, préfacé notre ouvrage, César Fernández de las Peñas, Orlando Mayoral Del Moral, et la dernière édition de Travell et Simons. Ces sources d´informations restent incontournables. Nous nous sommes aussi appuyés sur la littérature scientifique mondiale actuelle et avons intégré dans notre ouvrage les découvertes les plus récentes, les dernières références utilisées datent du mois de septembre 2019. 

Votre livre est-il en accord avec la littérature existante sur le sujet ?
Nous essayons dans notre livre, ainsi que dans nos formations, de tenir compte de la littérature la plus récente, mais de nombreuses questions subsistent encore en ce qui concerne les PTrM et leur traitement en dry needling. Nous restons donc vigilants et faisons évoluer notre approche et nos techniques en fonction des nouvelles découvertes.

© D.R.