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Entretien avec Rémy Rivier, promoteur d'un "syndicalisme positif qui porte des idées et innove"

Sophie Conrard
- 20 octobre 2020

Un récent article que nous avons publié sur la forte croissance démographique de la profession et l'avenir des séances au tarif conventionnel [1] a beaucoup fait réagir sur les réseaux sociaux. Tout y est passé : les syndicats ne servent à rien, ils préfèrent conseiller aux kinésithérapeutes de faire du hors Sécu plutôt que de demander une augmentation de la lettre-clé, les élus nationaux s'en mettent plein les poches [2], etc. Mise au point avec Rémy Rivier, secrétaire général chargé de l'exercice et des relations institutionnelles pour la FFMKR.



Kiné actualité : Vous êtes secrétaire général à l'exercice et aux relations institutionnelles pour la FFMKR. Quelles sont vos missions ? Quel est votre rôle au sein de la Fédération ?

Rémy Rivier : Premièrement, je suis en charge de tout ce qui a trait à "l'exercice", ce qui recouvre des domaines variés : les notions d'accessibilité, la défense de nos champs de compétence, l'élargissement de nos missions, mais également le suivi des dossiers en cours sur les pratiques avancées, l'accès direct, les protocoles de coopération…

Deuxièmement, il y a la partie "relations institutionnelles". J'ai souhaité, au travers de ce terme, montrer la volonté de la Fédération d'être au contact de l'ensemble des institutions qui influencent la pratique de l'exercice de la masso-kinésithérapie (en dehors du champ conventionnel, qui fait à lui seul l'objet d'un secrétariat général). Cela va des mutuelles et complémentaires aux parlementaires nationaux ou européens, en passant par les responsables au sein des ministères. L'idée étant d'établir des liens en vue de pouvoir, ensuite, mettre en place un lobbying efficace pour accompagner l'évolution de notre métier.

Ce rôle, je ne l'assume pas seul. À la FFMKR, nous avons mis en place une manière de travailler très collective et tout se fait en étroite collaboration avec le bureau et les secrétaires généraux. C'est sûrement l'une des raisons du renouveau que l'on observe ces derniers mois.

Qu'est-ce qui vous intéresse le plus dans ce poste ?
Tout d'abord, j'apprécie la vision assez globale que donne ce poste sur les sujets qui concerne notre profession. Et puis c'est à travers ce poste que l'on peut, à mon avis, porter des nouveautés. C'est la vision que l'on essaie de défendre, un syndicalisme positif qui porte des idées, qui innove, sans oublier de consolider ce qui fait notre métier.

Pourquoi la profession ne peut-elle "compter éternellement" sur la Sécurité Sociale pour la faire vivre, comme vous le disiez dans l'article qui a fait grand bruit [1] ?
La société évolue. Notre démographie évolue, en augmentant rapidement. Les budgets sont contraints, les marges de manœuvre de plus en plus étroites. Pour autant, comme l'a dit mon confrère Thomas Prat, l'augmentation de la lettre-clé est bien sûr notre préoccupation première.

Malgré cela, on ne doit pas s'empêcher de réfléchir à d'autres pistes de rémunération, d'autres financeurs. C'est ce que je voulais dire dans l'article que vous mentionnez.

Une piste intéressante pourrait être de valoriser financièrement notre rôle de professionnel de santé par des missions de dépistage, de promotion de la santé publique. Il faut pour cela que nous soyons en mesure de démontrer le "retour sur investissement" de notre action.

Et il y a la prévention. Nous travaillons énormément pour trouver un modèle économique qui pourrait donner un rôle aux kinésithérapeutes dans ce domaine, qui paraît tellement évident sur le papier mais duquel nous sommes quasi absents, en pratique. Un autre exemple : comment expliquer qu'il n'existe pas de kinésithérapeute du travail ?

Quand on parle de hors nomenclature, certains kinésithérapeutes s’offusquent, estimant que ce n'est pas votre rôle. Pourquoi ? Y a-t-il un conflit générationnel ?
Aller dans une entreprise, s'occuper de salariés, c'est une activité hors nomenclature, pour autant ce n'est pas du bien-être ou de l'esthétique ! On a trop longtemps réduit le hors nomenclature au bien-être. C'est caricatural.

Notre métier a de multiples facettes. Notre rôle est de faciliter la pratique de chacune de ces facettes pour chaque kinésithérapeute qui le souhaite. C'est ainsi que je le vois.

Si en tant que syndicat, nous positionnons les kinésithérapeutes sur la thématique de la prévention en entreprise, ou sur le sport santé (comme nous l'avons fait en signant un partenariat avec Goove), alors nous facilitons le chemin pour tous les kinésithérapeutes.

Je ne crois pas que tout cela soit générationnel. Ou alors peut-être au travers de la formation initiale, qui a évolué. Les étudiants qui finissent leurs études en 2020 n'ont pas les mêmes perspectives ni les mêmes aspirations que ceux qui ont quitté les bancs des IFMK en 1990, 2000, etc. Mais il ne faut pas opposer les générations. J'y vois surtout une complémentarité.

Les mots « hors nomenclature » recouvrent une grande diversité de pratiques : pouvez-vous nous donner des exemples, dans lesquels le kinésithérapeute a pleinement sa place ?
D'abord, nous avons pleinement notre place dans la qualité de vie au travail, le monde de l'entreprise. Mais c'est un monde extrêmement concurrentiel dont nous ne maîtrisons pas encore les codes de manière collective. Quelques initiatives isolées fonctionnement, mais il faudra du temps pour que nous soyons perçus comme une évidence.

Il y a aussi le sport-santé. Les complémentaires, les mutuelles vont sûrement s'engager sur ce terrain, comme avait pu le faire la MAIF pendant un temps, en finançant un programme passerelle pour que les assurés reprennent goût à l'activité physique. C'est une chose à laquelle nous sommes très attentifs car nous avons toute notre place dans ces parcours de soins.

J'aimerais évoquer aussi le massage bien-être, les cours collectifs… Les exemples sont nombreux !

Un poste de secrétaire général à la FFMKR, ça rapporte ?
(Rires) Non, au contraire, ça coûte ! Plus sérieusement, nous ne sommes pas rémunérés donc cela ne rapporte rien sur le plan financier. À titre personnel, j'ai 3 enfants en bas âge et cela me coûte du temps que je ne passe pas avec eux, avec ma femme également. Mais c'est une décision que j'ai prise en toute conscience, et je n'attends aucune "médaille" pour cela !

Ça coûte aussi de l'énergie pour défendre les dossiers, pour s'organiser quand on doit se libérer au pied levé, trouver un remplaçant, etc. Mais j'essaie de respecter cette devise qui me tient à cœur : "Sans action, la critique est vaine" !

[1] "Hausse spectaculaire du nombre de kinésithérapeutes en 20 ans : problème ou opportunité à saisir ?", Kiné actualité n°1573 du 1er octobre 2020, page 49.
[2] A la FFMKR, les élus nationaux ne sont pas rémunérés. Ils perçoivent une indemnité pour perte de ressources lorsqu'ils consacrent une journée à la Fédération, et sont défrayés pour leurs billets de train ou d'avion lorsqu'ils sont amenés à se déplacer dans le cadre de leurs missions syndicales. Soyons clairs : il est bien plus rémunérateur de travailler dans son cabinet 5 jours sur 7 que de prendre des responsabilités syndicales.

© D.R.

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