Des promesses artificielles ?
Christophe Dauzac
Kinésithér Scient 2023,0653:01 - 10/05/2023
« Une fourmi parlant français, parlant latin et javanais, ça n'existe pas, ça n'existe pas... Eh ! pourquoi pas ? » comme le laissait entendre le poète Robert Desnos(1).
Tout semble désormais possible, comme le laisse augurer l’outil de conversation automatisé ChatGPT qui s’appuie sur l’intelligence artificielle (IA) et occupe l’actualité ces temps-ci.
L’IA s’installe autour de nous et évolue en permanence. La fiabilité et la sûreté de ses applications en santé sont un préalable nécessaire pour l’utiliser en toute confiance. L’INSERM(2) émet des réserves sur les innovations attendues. Par exemple en oncologie. Les résultats obtenus par de nombreux systèmes d’IA développés depuis quelques années pour guider les médecins afin de proposer des traitements adaptés n’ont pas atteints les objectifs prévus. Les données utilisées pour développer et entraîner l’IA ont été jugées de mauvaise qualité, les populations sélectionnées étaient non représentatives et la méthodologie utilisée inadéquate. Donc loin d’améliorer les soins, l’IA aurait favorisé des erreurs médicales.
Aussi bien, voire mieux ?
Faut-il alors souhaiter que les logiciels deviennent experts en diagnostic ? L’aide à la décision restera précieuse, si les données renseignées par l’IA sont fiables et qu’elle démontre rigoureusement une pertinence clinique.
Ne pas suivre à la lettre les recommandations de l’IA à la lettre reste sévère, alors qu’il est parfaitement démontré que les technologies d'apprentissage en profondeur dépassent les capacités humaines. L’exploitation de millions de données médicales demeure une avancée qui apportera une transformation des soins de demain. Majorer le raisonnement humain est le défi de l’IA, tout comme l’exosquelette qui accroît la force et diminue les contraintes. On est moins performant seul.
L’alliance homme-machine pour améliorer la prise en charge personnalisée est prometteuse. L’IA trouvera-t-elle sa place dans la « médecine 6P » (Personnalisée, Préventive, Prédictive, Participative, Pertinente et Pluriprofessionnelle) ? Ce n’est pas sûr, car une prise en charge adaptée s’appuie sur la relation qu’entretient le soignant avec son patient. L’émotion perçue de l’autre, la prise en compte du contexte socioculturel appartiennent au domaine humain, ancré dans le réel.
Les performances de l’IA en santé laissent entrevoir une « 4e révolution industrielle ». Restons vigilants et accueillons ce qui doit être une valeur ajoutée avec la sagesse du poète : pourquoi pas ?
(1) Desnos R. La fourmi. In: Chantefables et Chantefleurs. Coll. Contes et poèmes. Éditions Gründ.
(2) INSERM (Salle de presse, 22 mars 2023). ChatGPT : l’IA prête à remplacer les chercheurs et les médecins, vraiment ? https://presse.inserm.fr/canal-detox/chatgpt-lia-prete-a-remplacer-les-chercheurs-et-les-medecins-vraiment/