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Plaidoyer de la HAS pour développer les coopérations interprofessionnelles et les partages de tâches

©Hiraman

Sophie Conrard
- 15 mars 2024

Dans un long communiqué publié le 13 mars, la Haute autorité de santé (HAS) invite à accélérer les coopérations et partages de tâches entre professionnels de santé, et à lever tous les obstacles (administratifs, financiers…) qui empêchent leur développement massif.



Les mots sont forts : la HAS invite à "franchir un cap" en matière de coopérations interprofessionnelles, à "changer de logiciels" pour lever les derniers obstacles sur le plan administratif et financier. "Dans un système de santé confronté à de multiples défis, les coopérations et partages de tâches entre professionnels de santé sont de nature à réduire les délais d'accès aux soins, à renforcer l'attractivité des métiers et à améliorer la qualité des services rendus" aux patients, plaide-t-elle dans son communiqué, invitant les politiques à passer à la vitesse supérieure. "Les collaborations entre professionnels de santé, quelles que soient leurs formes, méritent d’être développées parce qu’elles assoient la crédibilité du virage ambulatoire choisi par notre pays, sont cohérentes avec l’objectif d’amélioration continue de la qualité des soins et favorisent la cohésion des équipes professionnelles mobilisées."

Des résultats "remarquables"

S'il est trop tôt pour mesurer les effets de certains dispositifs très récents, la HAS souligne les "résultats remarquables" des 57 protocoles nationaux de coopération autorisés. "Ils ont permis en 2022 à un peu plus de 400 000 patients de bénéficier de près de 600 000 actes délégués", et ce quasiment sans évènements indésirables (0,12 %). "Aucun évènement indésirable grave n'a été déclaré." Malheureusement, "l'application de ces protocoles est très hétérogène : quand certains concernent plusieurs milliers de patients, d'autres n'en concernent que quelques dizaines. Et le chiffre de 57 reste faible", regrette la HAS.

106 protocoles locaux ont également été autorisés mais la HAS manque de données sur leurs effets, ce qui empêche leur généralisation à toute la France. Pour ce qui est des infirmiers en pratique avancée, "on n'en comptait fin 2022 que 1 718 diplômés en 4 ans, loin de l'ambition affichée par le gouvernement : 5 700 diplômés en 2027".

En somme, "nous n'avons pas atteint à ce jour les objectifs attendus d'amélioration de la prise en charge des patients, d'attractivité des métiers de la santé et de réponse aux tensions sur l'offre de soins", malgré les opportunités offertes par les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) récemment créées et les potentialités du numérique en santé pour les coopérations et partages de tâches. La HAS appelle donc à "opérer un puissant changement de logiciel" pour "lever les obstacles" suivants :

- "Les complexités administratives pour la mise en œuvre des protocoles de coopération ;

- L’insuffisance ou parfois l’absence de financement dédiés tant dans le déploiement que dans l’évaluation des nouveaux modes de coopération, tous modes confondus ; 

- L’absence de soutien aux équipes qui veulent s’engager dans la voie des coopérations dont la dynamique repose, non sans fragilité trop souvent, sur les personnes initiatrices ;

- Le nombre réduit de compétences partagées."

Ce que demande la HAS

D'abord, la "vie administrative" des protocoles de coopération "doit être simplifiée". La HAS propose donc "d'aménager les procédures sur la base d'un cahier des charges national qu'elle aura élaboré et que les agences régionales de santé (ARS) pourraient appliquer afin d'examiner plus rapidement les demandes de protocoles, dans des garanties de sécurité et de qualité conservées".

Ensuite, "il est indispensable de soutenir les équipes qui font émerger des protocoles", insiste la HAS. Pour l'instant, ce soutien est très variable selon les ARS, les hôpitaux ou les maisons ou centres de santé dans lesquels ils sont déployés. Il conviendrait que les ARS mobilisent plus fortement les ressources d'appui nécessaires ou délèguent contractuellement, avec un financement dédié, le soutien méthodologique aux structures d'exercice collectif ou aux CPTS", indique la HAS.

Enfin, il faut créer "un forfait de coopération suffisamment valorisant pour tous", insiste-t-elle. Actuellement, "la rémunération à l'acte bloque le développement des coopérations".

Mieux évaluer les partages de tâches

La HAS invite en outre à mieux évaluer les partages des tâches, pour 3 raisons : "pour garantir la qualité des soins dans ces nouvelles approches, compte tenu des évolutions des modes d’organisation et des postures professionnelles qu’elles soulèvent ; pour sédimenter les savoirs acquis dans les partages et les coopérations et transmettre ces savoirs spécifiques dans les formations initiales des professionnels concernés, comme dans les processus de DPC ; pour guider la réflexion et les initiatives règlementaires dans la mesure où ces partages et coopérations sont le plus souvent une étape avant de modifier les décrets de compétence en fonction des pratiques et des résultats cliniques observés. L’accès direct du patient au kinésithérapeute mériterait d’ailleurs de bénéficier d’une évaluation robuste s’il doit servir de base à de futures initiatives dans d’autres domaines", précise-t-elle.

Cette évaluation doit inclure dès le départ "l’analyse des bénéfices organisationnels et d’amélioration de la qualité de vie au travail des professionnels concernés, qui sont de puissants facteurs de motivation pour les partages de tâches et les protocoles de coopération".

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