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Réflexion : comment souhaitons-nous que la kinésithérapie évolue ?

Aude Quesnot
Kinésithér Scient 2024,0670:01 - 10/12/2024

La « télékinésithérapie » : mythe ou réalité ?

La pandémie de Covid-19 qui a frappé notre pays et la planète toute entière a permis, dès le mois d’avril 2020, de développer des techniques de suivi des patients à distance grâce à la téléconsultation. Celle-ci s’est pérennisée chez les professions médicales. Les Français peuvent désormais prendre un rendez-vous médical soit en présentiel, soit en distanciel. Les ordonnances ou autres documents sont envoyés au patient par voie dématérialisée. La « télékinésithérapie », qui s’est développée ponctuellement pendant la pandémie, s’est progressivement estompée.

Les études canadiennes réalisées par le Pr Toussignant à l’Université de Sherbrooke (prise en charge après prothèses de genou, programme d’exercice de Tai Chi pour les AVC avec un trouble de l’équilibre, qualité et programme de rééducation après cancer du sein par exemple) sur la télékinesithérapie avaient pourtant montré son efficacité. Plusieurs modèles avaient été développés, soit sur ce que l’on appelle le mode synchrone, où le patient et le kinésithérapeute sont présents simultanément, ou sur le mode asynchrone où le patient doit réaliser un programme d’autorééducation à une fréquence prédéfinie, les exercices étant choisis et ajustés par le kinésithérapeute. La « télékinésithérapie » est régulée par des séances en présentiel dont la fréquence est au choix du couple patient-MK.

Où en sommes-nous en France sur l’intégration de la « télékinésithérapie » dans nos prises en charge, que ce soit en libéral ou en hospitalisation de jour ? Quelles seraient les recommandations ?

La décarbonation des soins et la kinésithérapie

Le secteur de la santé est constitué en France d’environ 2,6 millions de personnes, soit 9 % de la population active (https://theshiftproject.org/la-transition-bas-carbone-du-secteur-de-la-sante). Il produirait entre 7 et 10 % de l’empreinte carbone en France.

Pour une santé durable, un plan de décarbonation des soins se met en place. 38 % des émissions de gaz à effets de serre dans le domaine de la santé proviennent des établissement hospitaliers, 23 % des professionnels de ville, 21 % des établissements et services pour la personne âgée et 17 % des établissements et services pour les enfants et adultes handicapés.

La diminution des transports des patients et des visiteurs, la diminution des déplacements des professionnels, la diminution du volume de médicaments et des dispositifs médicaux prescrits, ainsi que la baisse des recours aux soins grâce à la prévention, la promotion et au juste soin sont des pistes de décarbonation des soins.

Comment la profession pourrait-elle s’inscrire dans cette décarbonation des soins ? Je vois différents axes : le développement de la prévention et de la promotion de la santé et le juste soin ; la diminution des transports à émissions de gaz à effets de serre des professionnels ou des patients quand cela est possible ; la diminution de la consommation de certains médicaments grâce à des alternatives non médicamenteuses ; la diminution de nos déchets liés aux soins, ou encore par la diminution de notre consommation énergétique.

La promotion de l’autogestion du patient

L’autogestion se définit comme « la capacité d’un individu à gérer ses symptômes, son traitement, les conséquences physiques et psychologiques ainsi qu’à adapter les changements de mode de vie inhérents à sa pathologie chronique. ».

Le soutien à l’autogestion dans la prise en charge des pathologies chroniques et /ou douloureuses est un processus porté par de nombreuses publications récentes. Particulièrement développées dans le champ musculo-squelettique comme pour la lombalgie chronique, les recommandations de soutien à l’autogestion se retrouvent également dans la BPCO, la maladie de Parkinson, l’AVC ou les arthrites inflammatoires (Virot G. Promouvoir l’autogestion des patients. KS 2024;667:51-5).

L’éducation thérapeutique et la promotion de l’autogestion se développent parallèlement aux maladies chroniques. Ces grandes orientations et ces stratégies dans la pratique clinique présentent des pistes pour progressivement faire évoluer la prise en charge kinésithérapique des pathologies chroniques. Tous ces patients sont-ils susceptibles de s’autogérer ? Quelles sont les posologies, les limites à l’intégration de l’autogestion des patients dans leur prise en charge en kinésithérapie ?

L’accès aux soins

La population française est confrontée à des difficultés d’accès aux soins, y compris en kinésithérapie malgré la démographie dynamique de la profession. Face à cela, la « télékinésithérapie », la promotion de l’autogestion du patient, le développement de la prévention (entre autres) sont des pistes. Elles ne doivent pas se substituer aux pratiques mais plutôt venir en appui à celles-ci, de manière déontologique et éthique.

L’examen clinique du patient, le « toucher », la construction d’une relation de confiance nécessitant un temps d’échange, des informations et des objectifs clairs restent des éléments incontournables de notre prise en charge.

Au cours de ces derniers numéros de Kinésithérapie Scientifique et des articles colligés par Samir Boudrahem suite au Congrès de l’AHREK, une réflexion profonde émerge sur la pratique de notre art dans un contexte de défi de Santé publique, qui voit croître à la fois les maladies chroniques, le nombre de personne âgées et les difficultés d’accès aux soins. Cette réflexion devrait s’enrichir grâce à diverses publications à venir dans nos pages, pour que nous puissions proposer aux patients « le juste soin », dans un cadre éthique et actualisé, au fait des connaissances scientifiques.

Soyons des professionnels contemporains alliant expertise technique, « toucher », empathie, promotion de la santé et capables d’intégrer les nouvelles technologies et les dernières données de la science, dans un contexte de Santé publique complexe et exigeant.

Bonne lecture !

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