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Mesurer l'essoufflement en 4 dimensions !

Bertrand Selleron
Kinésithér Scient 2014,0551:55- - 10/02/2014

L’essoufflement d’effort est un symptôme fréquemment rencontré dans les maladies pulmonaires et dans l’insuffisance cardiaque. La dyspnée désigne alors une sensation anormale d’essoufflement, de gêne ventilatoire.

Les mécanismes de la dyspnée d’origine ventilatoire sont désormais mieux connus et s’ils diffèrent de ceux de l’insuffisance cardiaque, les conséquences sur la qualité de vie des malades et sur leur activité physique sont comparables. Les outils d’évaluation de la dyspnée sont nombreux mais pas toujours traduits et validés en français et surtout, les dimensions qu’ils abordent sont rarement explicites. Nous proposons d’aborder quelques-uns de ces outils selon quatre dimensions :
perceptuelle, émotionnelle, fonctionnelle et... temporelle (tab. I).

Tableau I
Classification des outils d’évaluation de la dyspnée en 4D

L'autoévaluation de l'intensité

Comme pour toute perception corporelle, l’évaluation de la dyspnée ne peut relever que d’une auto-évaluation par le patient. Mais le kinésithérapeute a un rôle fondamental pour permettre cette auto-évaluation qui va favoriser l’expression constructive du symptôme.

L’échelle visuelle analogique (EVA) est un outil extrêmement répandu dans l’évaluation de la douleur qui peut être utilisé pour mesurer l’intensité de la dyspnée dans une situation donnée.

L’échelle de Borg modifiée (fig. 1) présente plusieurs avantages méthodologiques sur l’EVA. D’abord, c’est une échelle numérique et verbale ouverte (entièrement présentée au patient) qui est donc plus facile à appréhender. De plus, elle respecte le caractère exponentiel de la relation entre un stimulus corporel et sa perception (loi de Stevens), contrairement à l’EVA qui est linéaire. Ainsi, pour des stimulations faibles, les patients dyspnéiques peuvent développer une discrimination particulièrement fine de leur degré de dyspnée, ce qui contribue à leur maîtrise de ce symptôme.

Figure 1
L’échelle de Borg modifiée

La dyspnée dans les questionnaires de qualité de vie

Les questionnaires de qualité de vie en santé respiratoire traduits et validés en langue française abordent toujours la dimension émotionnelle de la dyspnée.

Le Questionnaire respiratoire Saint-Georges (QRSG) est un questionnaire de qualité de vie conçu pour être utilisé une fois par an dans la BPCO et l’asthme [1]. C’est un questionnaire auto-administré détaillé (une cinquantaine de questions) dont une quinzaine portent spécifiquement sur l’essoufflement mais seulement deux sur la dimension émotionnelle :

- « Devant les autres, je me sens gêné(e) d’être essoufflé(e). » ;
- « J’ai peur ou je panique quand je n’arrive plus à respirer. ».

Il existe aussi des questionnaires courts de qualité de vie, complémentaires du QRSG, tels que le CAT (ou COPD assessment tool) ou le VQ11. Le VQ11 est un questionnaire court conçu par l’équipe du laboratoire Epsylon de Montpellier (www.epsylon.org) validé dans la BPCO et d’utilisation trimestrielle [2]. Il aborde les dimensions fonctionnelle, émotionnelle et relationnelle de la dyspnée, de manière équivalente.

Les stades d'apparition de la dyspnée d'effort

Toujours basés sur le discours du patient, l’identification des efforts limités par la dyspnée s’appuie sur des échelles largement utilisées par les professionnels de santé. Elles permettent de catégoriser le niveau d’effort physique pour lequel la limitation par la dyspnée apparaît. Leur utilisation n’est donc pas si simple qu’il n’y paraît.

Actuellement en France, c’est l’échelle de Sadoul et Polu qui est la plus répandue. C’est la traduction historique de la « Medical researchcouncil scale » ou MRC, classant en cinq stades de 1 à 5.

L’échelle MRC a été modifiée (MMRC), en particulier au niveau de la cotation qui s’établit désormais de 0 à 4. C’est cette version modifiée qui est utilisée en particulier dans le score composite BODE. Un tableau de correspondance est donc nécessaire (tab. II).

Tableau II
Correspondance des échelles de Sadoul, MRC et MMRC

Le score BDI/TDI : une approche fonctionnelle et dynamique de la dyspnée

Il s’agit d’une échelle développée il y a 30 ans par Mahler mais dont l’usage en France est encore restreint malgré une validation assez récente [3]. Tout d’abord l’échelle BDI (Baseline dyspnea index) mesure trois composantes de la dyspnée (tab. III) :

Tableau III
Cotations de l’échelle BDI, d’après Aaron et coll. [4]

- le niveau de handicap fonctionnel ;
- l’amplitude de l’activité accomplie ;
- l’amplitude de l’effort déclenchant la dyspnée.

Chaque composante est cotée en cinq degrés de 0 à 4 (du plus grave au plus léger) et permet ainsi d’établir un score cumulatif concernant l’état de base d’un patient, allant de 0 (dyspnée maximale) à 12 (absence de dyspnée).

Surtout, l’échelle TDI (Transition dyspnea index) vient compléter le score BDI en apportant une cotation de l’évolution du handicap lié à la dyspnée, en amélioration ou en détérioration (tab. IV).

Tableau IV
Cotations de l’échelle TDI

Conclusion

Comme la douleur, la dyspnée est une sensation corporelle qui a des conséquences émotionnelles et fonctionnelles. De nombreux outils sont à notre disposition dont certains sont validés en langue française, surtout pour la BPCO et l’asthme. Leur utilisation en pratique courante est indispensable pour le kinésithérapeute car ils constituent un moyen d’expression irremplaçable du principal symptôme altérant la qualité de vie des malades pulmonaires chroniques. Ils permettent de plus de mesurer l’évolution du handicap sous l’influence de l’évolution naturelle de la maladie ou des traitements.

BIBLIOGRAPHIE

[1] Bouchet C, Guillemin F, Hoang Thi TH, Cornette A, Briancon S. Validation du questionnaire Saint-Georges pour mesurer la qualite de vie chez les insuffisants respiratoires chroniques. Rev Mal Respir 1996;13:43-6.
[2] Ninot G et coll. Le VQ11, un questionnaire de qualité de vie spécifique à la BPCO utilisable en clinique. Rev Mal Respir 2010:472-81.
[3] Laurendeau et coll. Étude de validation de l’échelle BDI/TDI dans la BPCO. Rev Mal Respir 2009:26;735-43.
[4] Aaron SD et al. Measurement of short-term changes in dyspnea and disease-specific quality of life following an acute COPD exacerbation. Chest 2002;121:688-96.

 


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