Se former, s'informer, s'entourer...

Lire entre les lignes, tout un programme !

Christophe Dauzac
Kinésithér Scient 2015,0568:01 - 10/09/2015

La réforme qui réorganise les études de notre profession, selon le principe universitaire européen LMD, a abouti. Afin de s’adapter à des standards européens, désormais, 8 semestres d’études organisés en deux cycles, suivront les nouvelles modalités de sélection : une première année commune aux études de santé validée ou une première année de licence. La modernisation de notre formation initiale devenait nécessaire pour intégrer un cursus d’enseignement supérieur. Un schéma LMD prévoit cependant trois diplômes, convertis en crédits européens. Mais s’agissant de notre profession, ce sera toujours le diplôme d’État qui attestera des compétences pour exercer ; il sera désormais obtenu après capitalisation de 240 Ects.

La refonte du programme laisse à penser qu’un professionnel d’un nouveau genre verra le jour dans 4 ans. Bâti en référence à la notion de compétence, le programme est centré sur l’appropriation des savoirs ; il aurait plu à Galilée « On ne peut rien enseigner à autrui. On ne peut que l'aider à le découvrir lui-même. », ou encore à de Saint-Exupéry : « Le véritable enseignement n'est point de te parler mais de te conduire. ». Centrer l’apprentissage sur l’étudiant plutôt que sur la discipline ou la matière fait prendre un risque de reléguer les savoirs au second plan. Un équilibre est à trouver pour ce nouveau duo compétences-connaissances. D’autant qu’« une connaissance générale est presque fatalement une connaissance vague. ». Bachelard nous demande donc d’approfondir et de rester vigilants.

La lecture du contenu de certaines unités d’enseignement surprend. Bloy n’a pas tort : « On devrait fonder une chaire pour l'enseignement de la lecture entre les lignes. ». En effet, quels usages les futurs praticiens feront-ils des heures de cours inflationnistes de « Santé publique, d’anthropologie, ou encore de sciences de l’éducation » ? Alors que des pans de connaissances ont été drastiquement réduits, notamment en anatomie et en cinésiologie ! Les sciences humaines et les sciences sociales seront certes utiles aux étudiants pour construire leurs connaissances, mais quid des disciplines qui font le cœur du métier ? Rappelons à toutes fins utiles que le kinésithérapeute est attendu sur le terrain clinique.

Les écoles vont-elles rendre le jeune professionnel autonome, en lui présentant au cours de sa formation la traumatologie comme « pathologie du champ musculo-squelettique » ? Ou bien une plaie cutanée comme une effraction « du champ tégumentaire » ? Les spécialistes de médecine et de chirurgie vont-ils s’accommoder de ce jargon ? Voltaire ne comprendrait pas mais sait nous éclairer : « Chaque science, chaque étude, a son jargon inintelligible qui semble n’être inventé que pour en défendre les approches. ». Merci pour la leçon !

Nous en retiendrons une autre : « Qui apprend la science et ne pratique pas ce qu'elle enseigne, ressemble à celui qui laboure et qui ne sème pas. » : souhaitons que les étudiants aient à cœur de retenir cet aphorisme ! Le nouveau programme permettra en effet de développer l’initiation à la recherche et à la production scientifique.

L’utilisation des nouvelles technologies ne seront pas oubliées au cours des études : certificat informatique, technologie de l'information et de la communication pour l'enseignement (TICE), e-learning se confronteront à la transmission des savoirs par le « maître ». « La science, c'est ce que le père enseigne à son fils. La technologie, c'est ce que le fils enseigne à son papa. ». Serres qui réfléchit et analyse notre société, nous incite à ne pas inverser les rôles et à ne pas négliger celui de l’enseignant qui selon moi doit rester prépondérant. Gide n’a-t-il pas raison lui non plus en disant : « Un bon maître a ce souci constant : enseigner à se passer de lui. ».

Montaigne aurait dû participer à l’élaboration du nouveau programme. Ce ne sont pas uniquement les contenus techniques et les présentations pédagogiques qui permettront de progresser dans le métier. S'il y avait un seul conseil à prodiguer à l’étudiant, ce serait celui-là à appliquer au quotidien : « Mon apprentissage n'a d'autre fruit que de me faire sentir combien il me reste à apprendre. ».

Nous retrouvons pour la dernière fois Jacques Vaillant pour sa 221e rubrique « Ostéo-articulaire ». La Rédaction le remercie chaleureusement d'avoir contribué pendant 20 ans à informer les lecteurs de manière pertinente sur l'évolution des sciences et des techniques concernant l'appareil locomoteur.


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