Maladie de Parkinson : micrographie (1ère partie)
Jean-Pierre Bleton
Kinésithér Scient 2013,0549:41-42 - 10/12/2013
La fonction de préhension est une fonction essentielle qui implique l’ensemble du système nerveux sensori-moteur. Elle nécessite le contrôle coordonné et couplé dans le temps de deux actions participant à sa réalisation : le transport du membre pour déplacer la main vers l’objet et la prise de l’objet [1]. Les prises de forces impliquent plus particulièrement la participation des muscles extrinsèques et les préhensions de finesses, celle des muscles intrinsèques de la main (en particulier du côté radial de la main).
L’efficacité de la préhension de finesse dépend de la qualité de la coordination entre des activités motrices, les unes toniques, les autres phasiques. La déficience de l’une d’entre elles conduit à une altération de la fonction de préhension se traduisant par des gestes moins adaptés et plus stéréotypés. L’adaptation de la préhension aux différentes tâches en particulier de finesse est influencée non seulement par des contraintes biomécaniques propres à tous les sujets mais également par des contraintes neurologiques centrales.
Les patients atteints de maladie de Parkinson (MP) ont pour effet, d’une part une lenteur et, d’autre part une altération des mouvements élémentaires de répétition et de coordination des doigts. Ces deux difficultés coexistent mais ne sont pas liées. Ainsi, la difficulté à coordonner les mouvements des doigts est indépendante de la lenteur mais semble plus vraisemblablement associée avec une dysfonction de la discrimination tactile. Les conséquences de ces manifestations sensitives subtiles sur la réalisation des tâches de finesse sont à l’origine d’un trouble moteur que certains qualifient d’apraxie digitale [2, 3].
L’écriture fait partie des fonctions de la main particulièrement influencées par la MP. Elle se manifeste par une micrographie (ou petite écriture) qui se révèle être un trait caractéristique de la MP, ainsi qu’un indicateur diagnostique fiable à la phase initiale de la MP en dehors même de tout autre signe parkinsonien.
La micrographie est écrite comme une agraphie hypokinétique (hypokinésie : diminution de l’amplitude du mouvement) qui se manifeste sous deux formes :
- une réduction constante de l’écriture (consistent micrographia) ;
- ou une micrographie qui s’aggrave à mesure du déroulement de l’écriture (progressive micrographia). Dans sa forme progressive, plus le patient écrit et plus les lettes sont serrées et petites. La fin de la ligne s’accompagne d’une accélération comparable à la festination survenant à la marche. Les chiffres divergent d’un auteur à l’autre mais elle paraît présente dans plus de 60 % des cas [4].
La micrographie est fréquemment associée à la bradykinésie et à l’hypokinésie. En revanche, elle est indépendante du tremblement. Sa normalisation sous traitement dopaminergique est parfois spectaculaire au stade initial de la MP.
Dans les formes évoluées, les effets du traitement médical sont plus aléatoires, ils varient en fonction des prises médicamenteuses au cours de la journée (effet On-Off).
La micrographie est plus évidente au cours d’une tâche de copie que lors d’une tâche d’écriture libre. Aussi, il semble plus approprié de faire écrire cinq à six fois de suite, en allant à la ligne à chaque fois, une même phrase courte ne comportant pas de difficulté orthographique comme : « Je respire le doux parfum des fleurs » (fig. 1) pour permettre une analyse comparative des corpus et l’observation de la dégradation progressive de l’écriture.
Figure 1 Maladie de Parkinson Micrographie figure de gauche : écriture main libre Micrographie figure de droite : indiçage visuel |
La comparaison de taille des lettres porte sur la première lettre de chaque phrase, l’orientation de l’écriture (montante ou descendante), la longueur de chaque phrase et la taille des espaces entre chaque mot.
L’explication du phénomène est mal connue. Différentes hypothèses sont avancées comme :
- un trouble de l’évaluation de l’espace : en effet, les patients montrent une amélioration significative de leur écriture en phase On, similaire à l’amélioration sous levodopa, à condition qu’ils ferment les yeux pour écrire. Ce qui tend à prouver que le trouble n’est pas dû uniquement à l’hypokinésie. Cette amélioration temporaire de l’écriture les yeux fermés est utilisée par certains patients pour signer, et peut être une voie de rééducation ;
- une augmentation progressive de la rigidité autour des articulations du poignet et des doigts : elle serait liée à la diminution de l’aptitude à coordonner l’action simultanée des différentes articulations et du traitement simultané des informations. Ce qui suggère que les patients réduisent la taille de l’écriture lorsque la charge de traitement simultané d’information augmente [5] ;
- un déficit sensitif : l’analyse du geste d’écriture montre que la tenue et le maniement du stylo sont non seulement influencés par les troubles moteurs propres à la MP, mais également par la diminution des informations proprioceptives et kinesthésiques, et plus particulièrement encore si la tâche d’écriture est réalisée avec des activités concurrentes.
Ces différents aspects des troubles du geste fin et de l’écriture sont des aspects à prendre en charge en rééducation.
Suite dans notre prochain numéro
BIBLIOGRAPHIE
[1] Jeannerod M. The formation of finger grip during prehension: A cortically mediated visuomotor pattern. Behav Brain Res 1986;19:99-116. [2] Landau WM, Mink JW. Is decreased dexterity in Parkinson disease due to apraxia? Neurology 2007;68(2):90-1. [3] Lee MS, Lyoo CH, Lee MJ, Sim J, Cho H, Choi YH. Impaired finger dexterity in patients with Parkinson’s disease correlates with discriminative cutaneous sensory dysfunction. Mov Dis 2010;25(15):2531-5. [4] Wagle SA, Ounpraseuth S, Okun MS, Gray V, Schwankhaus J, Metzer WS. Micrographia and related deficits in Parkinson’s disease: A cross-sectional study. BMJ Open 2012;2(3). [5] Gemmert A, Teulings HL, Stelmach G. Parkinsonian patients reduce their stroke size with increased processing demands. Brain and Cognition 2001;47:504-12. |
© J.-P. Bleton