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Ce que l’on sait de l’application StopCovid

Jean-Pierre Gruest
- 22 avril 2020

Dans la perspective d'un déconfinement progressif à partir du 11 mai, les autorités pourraient avoir recours à diverses innovations technologiques. Comme l'application mobile StopCovid, un projet qui en reste à ce jour au stade embryonnaire, mais suscite déjà de nombreuses interrogations et des craintes concernant la protection de la vie privée et des données récoltées.



Quand sera-t-elle disponible ? Sera-t-elle obligatoire ? Efficace ? Simple à utiliser ? Menacera-t-elle nos libertés individuelles ?... Autant de questions qui se posent sur cette application de traçage numérique évoquée le 13 avril par Emmanuel Macron. Celle-ci a pour objectif de limiter la propagation du Covid-19 une fois le déconfinement entamé, en permettant de repérer les personnes contaminées autour de soi. Cette application "pourrait limiter la diffusion du virus en identifiant des chaînes de transmission", expliquaient le ministre de la Santé, Olivier Véran, et le secrétaire d’État au Numérique, Cédric O, le 8 avril dans un entretien au Monde.

Une démarche volontaire
En clair, après avoir téléchargé cette application sur leur smartphone, il sera possible d’être alerté du fait que, dans les jours précédents, on a été en contact avec une personne testée positive au coronavirus afin de pouvoir se faire tester soi-même, et si besoin d'être pris en charge très tôt ou de se confiner. "Lorsque 2 personnes se croisent pendant une certaine durée (au moins 15 minutes) et à une distance rapprochée, le téléphone portable de l’un enregistre les références de l’autre dans son historique. Si un cas positif se déclare, ceux qui auront été en contact avec cette personne seront prévenus de manière automatique" précisait Cédric O. Quid des Français ne possédant pas de smartphone ? Le gouvernement "travaille sur diverses possibilités d’aide à l’équipement, ou à des alternatives aux smartphones pour ceux qui n’en disposent pas".

Nul ne sera obligé d’installer cette application gratuite : son utilisation ne pourra être le fruit que d’une démarche volontaire, comme l’a souligné Emmanuel Macron le 13 avril. Cependant, comme le souligne L’UFC-Que Choisir dans un article du 15 avril, "plus les utilisateurs seront nombreux, plus l’application sera efficace. Selon une étude de l’université d’Oxford (Angleterre), il faudrait que 60 % de la population l’installe pour qu’elle aide à enrayer la pandémie. D’autres sources évoquent des proportions moindres, à partir de 25 % de la population".

Pas de géolocalisation
À ceux qui s’inquiètent des dérives potentielles de cette méthode de suivi de l’épidémie baptisée contact tracing, déjà utilisée à Singapour via l’application TraceTogether, Cédric O se veut rassurant. Le terme de tracking utilisé dans le débat public, qui inquiète tant les Français, "est impropre car cet outil ne permettra pas la géolocalisation des personnes. Il ne s’agit nullement d’une application de traçage comme en Chine, Taïwan ou Israël", a assuré le secrétaire d’État le 9 avril lors de son audition devant la commission des Lois de l’Assemblée nationale.

L’application ne se basera pas sur nos données GPS, mais sur la technologie Bluetooth, qui n’enregistre pas les déplacements des personnes mais donne juste une notion de proximité. Elle retracera l’historique des relations sociales ayant eu lieu les jours précédents, sans permettre aucune consultation extérieure, ni transmettre aucune donnée, pas même au propriétaire du téléphone. Dans les faits, a-t-il illustré, "si je me suis trouvé à moins de 3 m de la présidente de la commission des Lois, Yaël Braun-Pivet, personne ne le saura. L’information sera stockée et anonymisée. Si je me déclare positif, en revanche, elle recevra une alerte mais sans en connaître la source. En clair, il sera impossible de savoir qui a été infecté, et qui a contaminé qui".

Des données anonymisées et ponctuelles
"L’application StopCovid sera compatible avec le droit européen des données personnelles (RGPD)", précise le secrétaire d’État. "Il faut se garder du fantasme d’une application liberticide. Les données seront anonymes et effacées au bout d’une période donnée. Nous veillons à associer étroitement la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) : la version finale de ce projet lui sera soumise", a-t-il assuré au Monde, ajoutant que celui-ci "n’a pas vocation à aller au-delà de la crise sanitaire". Il a ajouté qu’il fallait "se garder d’un fantasme opposé, celui de l’application magique qui permettrait de tout résoudre", précisant qu’elle n’est qu’une "brique (par ailleurs incertaine) d’une stratégie globale de déconfinement et un outil numérique parmi d’autres dans la lutte contre l’épidémie".

Un avis partagé par Aymeril Hoang, spécialiste des nouvelles technologies et membre du conseil scientifique Convid-19 qui, lors de son audition le 15 avril par la commission des Lois du Sénat (lire l'encadré ci-dessous), a estimé que "l’application seule ne suffira pas et n’aura de sens qu’en cas de respect des gestes barrière. C’est un outil supplémentaire de l’arsenal des mesures de lutte contre la pandémie, en complément d’autres actions de santé publique et notamment de tests massifs".

La positivité au Covid-19 soumise à un contrôle préalable

La question de la fiabilité de l’application StopCovid se pose également. Par exemple, qui vérifiera l’information quand une personne aura été déclarée positive au Covid-19 ? C’est l’une des questions posées le 15 avril par la commission des Lois du Sénat à Aymeril Hoang, membre du conseil scientifique Covid-19. "Le développement de l’outil se poursuit sur l’hypothèse non arbitrée d’un contrôle préalable de la suspicion de séropositivité de la personne, soit parce qu’il y a un test qui dit qu’elle est positive, soit parce qu’après un échange avec son médecin traitant sur ses symptômes, il est clair qu’elle est probablement positive", a-t-il répondu.

En clair, l’alerte ne pourra être déclenchée qu’après contrôle d’un professionnel de santé ou laboratoire qui attestera des symptômes et donnera un code numérique (un QR code) à la personne testée positive pour qu’elle la rentre dans l’application.

(avec APM News et Hospimedia)

De 3 à 6 semaines de développement, sinon plus…
Quand cette application sera-t-elle disponible ? Selon Cédric O, un prototype a commencé à être développée le 4 avril par une task force française composée de chercheurs et développeurs français venus du public et du privé. Celle-ci est pilotée par l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), sous la supervision du gouvernement. Ce projet s’intègre dans le cadre du projet de recherche européen Pan-European Privacy-Preserving Proximity Tracing (PEPP-PT), initié par l’Inria, l’École polytechnique fédérale de Lausanne et l’institut allemand Fraunhofer Heinrich-Hertz de Berlin. Nulle date de disponibilité de l’application StopCovid n’a été avancée, mais il faudrait de 3 à 6 semaines pour la développer, "sans garantie, ce délai pouvant être plus long", a précisé le secrétaire d’État au Numérique.

Un certain nombre de points techniques critiques restent en effet à résoudre et valider. "Nous ne sommes pas certains de réussir à franchir toutes les barrières technologiques car le Bluetooth n’a pas été prévu pour mesurer des distances entre les personnes. Nous ne déciderons que plus tard de développer, ou non, une telle application", expliquaient les 2 ministres au Monde. Le fait de ne pouvoir mesurer les distances entre 2 personnes, et donc entre 2 smartphones, ne permettrait pas de déterminer s’il existe véritablement un risque de contamination entre les 2 propriétaires, mais également de collecter les données utiles et d’être conforme au RGPD.

Qui plus est, l’objectif du gouvernement est de développer une application qui soit "la plus simple possible afin de la rendre accessible aux personnes en situation de handicap et à celles ayant des difficultés avec le numérique". Si l’application est utile et conforme au droit, "il faudra que nous soyons en mesure de la déployer auprès de tous, faute de quoi nous surajouterions une fracture technico-sanitaire à une fracture sociale et territoriale".

© petovarga/Istock/Getty Images Plus

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