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Kinésithérapie en réanimation

Philippe Le Masson, Benoît Tissot
Kinésithér Scient 2014,0553:57-58 - 10/04/2014

En 2000, Kathy Stiller, médecin de rééducation au Royal Adelaide Hospital (Australie) publie dans Chest, organe officiel de l’American college of chest physicians (ACCP : collège américain des pneumologues), une revue exhaustive de la littérature internationale anglophone publiée entre 1980 et 1999 traitant de la kinésithérapie en réanimation [1].

En 2013, toujours dans Chest, reprenant son travail antérieur, K. Stiller nous propose une nouvelle revue actualisée jusqu’en 2012 [2]. La comparaison entre ces deux textes permet de bien rendre compte des progrès réalisés en kinésithérapie de réanimation et des questions se posant encore à ce sujet.

Revue Chest, organe de l'ACCP
disponible en ligne sur
http://journal.publications.chesnet.org/

En 2000 [1], après avoir recensé les différentes techniques de kinésithérapie utilisées en réanimation et leurs indications, K. Stiller concluait ainsi :

« ...Bien que la kinésithérapie fasse partie de l’arsenal thérapeutique de nombreux services de réanimation, les preuves de son efficacité restent encore très faibles. Il semble que la kinésithérapie ait des effets bénéfiques à court terme sur l’appareil respiratoire, mais qu’elle puisse aussi être à l’origine d’effets hémodynamiques et métaboliques délétères chez le patient intubé soumis à la ventilation mécanique (VM).

La kinésithérapie a fait la preuve de son efficacité dans le traitement de l’atélectasie lobaire aiguë... Les preuves de l’efficacité individuelle de chaque technique sont très limitées.

La capacité de la kinésithérapie à faciliter le sevrage de la VM n’est pas prouvée. Même s’il est possible de bâtir des recommandations de pratiques basées sur la preuve en kinésithérapie de réanimation, celles-ci demeurent très limitées en raison du manque de travaux évaluant ses techniques. Le besoin d’études cliniques supplémentaires est donc pressant...».

En 2013 [2], K. Stiller résume ainsi l’actualisation de sa revue de littérature :

« ...Bien que des soins de kinésithérapie soient très souvent prodigués aux patients de réanimation, leur réelle efficacité demeure toujours obscure. Cette revue de littérature est une actualisation de celle publiée en 2000 et portant sur l’efficacité de la kinésithérapie pratiquée en réanimation chez le patient intubé et ventilé...

Nous avons retrouvé 55 nouveaux essais cliniques et 30 études non cliniques traitant du sujet entre 2000 et 2012. Les preuves de l’utilité de la kinésithérapie apportées par les essais randomisés restent très conflictuelles.

En revanche, la prise en charge motrice précoce a fait la preuve de sa faisabilité sans danger et de sa capacité à diminuer la durée de séjour en réanimation et celle de la durée totale d’hospitalisation...».

Tout d’abord, on ne peut que reconnaître la très grande qualité, la rigueur méthodologique, la pertinence et l’utilité du travail effectué par K. Stiller. Ce type de travail est assez rare en kinésithérapie. C’est certainement grâce à lui, en partie s’entend, qu’ont pu être édictées les différentes recommandations, nationales et internationales, disponibles quant à l’exercice de la kinésithérapie en réanimation [3, 4].

Si la prise en charge respiratoire du malade relevant d’une ou plusieurs défaillances vitales reste encore très controversée dans ce cadre, il semble bien maintenant que les soins locomoteurs aient fait la preuve de leur efficacité et même de leur impérieuse nécessité, et ce d’autant plus que la gravité des patients accueillis (âge, multidéfaillances vitales...) la complexité et l’invasivité des techniques de soins s’accroissent [5, 6].

Bien sûr, de nouvelles recherches sont encore nécessaires afin d’affiner ces résultats, tout particulièrement dans le domaine respiratoire, mais les principales pistes de recherche sont maintenant bien identifiées depuis déjà plusieurs années, et commencent à être bien défrichées [1-6].

Certes, l’exercice de la kinésithérapie en réanimation ne concerne que quelques centaines de kinésithérapeutes sur les 60 000 environ exerçant actuellement en France, mais l’ampleur des moyens, tant technologiques que thérapeutiques, humains ou financiers, qui y sont mis en œuvre, en fait un domaine propice à la recherche clinique et donc à l’avancement des connaissances, particulières et générales...

Cette nouvelle rubrique vous proposera régulièrement un aperçu de la presse kinésithérapique internationale récente publiée dans la langue de Shakespeare...

BIBLIOGRAPHIE

[1] Stiller K. Physiotherapy in intensive care. Towards an evidence-based practice. Chest 2000;118:1801-13.
[2] Stiller K. Physiotherapy in intensive care. An updated systematic revue. Chest 2013;144(3):825-47.
[3] Gosselink R, Bott J, Johnson M et al. Physiotherapy for adult patients with critical illness: Recommendations of the European respiratory society of intensive care medicine. Task force on physiotherapy for critically ill patients. Int Care Med 2008;34:1188-99.
[4] Grandet P, Fourrier L, Guérot E et coll., sous l’égide de la SRLF et de la SKR. Référentiel de compétences et d’aptitudes du masseur-kinésithérapeute de réanimation en secteur adulte. Réanimation 2011;20: S725-S736.
[5] Morris PE, Goad A, Thomson C et al. Early intensive care unit mobility therapy in the treatment of respiratory failure. Crit Care Med 2008;36: 2238-43.
[6] Schweikert WD, Pohlman MC, Pohlman AS et al. Early physical and occupational therapy in mechanically ventilated critically ill patients: A randomised controlled trial. Lancet 2009;373:1874-82.

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