Le désencombrement par aspiration nasotrachéale chez l'adulte (1ère partie)
Bertrand Selleron
Kinésithér Scient 2013,0545:55-56 - 10/07/2013
La kinésithérapie dispose d’un choix de méthodes et de techniques pour assister le désencombrement, telles que la toux dirigée, les techniques de modulation du flux expiratoire, avec ou sans assistance manuelle, les techniques mécaniquement assistées, ou encore, en ultime recours, l’aspiration nasotrachéale (ANT).
Cette dernière consiste à aspirer, à l’aide d’une sonde introduite par la cavité nasale et reliée à une source d’aspiration, les sécrétions bronchiques ne pouvant être expulsées de façon physiologique. Cet acte invasif peut s’avérer nécessaire lorsque le patient encombré est incapable de libérer ses voies aériennes par la toux. On ne devrait y recourir que lorsque les autres méthodes de désencombrement bronchique (manuelles ou instrumentales) ont échoué. En effet, hormis l’inconfort ressenti par le patient, l’ANT présente des risques non négligeables.
D’ailleurs, en France, l’ANT ne peut être effectuée par le kinésithérapeute que sur délégation médicale, selon une procédure écrite et signée par le chef de service à l’hôpital ou le médecin prescripteur pour un patient à domicile. Cette procédure peut toutefois être réalisée en urgence, en l’absence d’un médecin, et en attendant son intervention.
Notons qu’en Belgique et en Suisse, l’ANT est un acte infirmier et/ou médical. Il n’est pas inséré dans le statut des kinésithérapeutes qui le pratiquent pourtant régulièrement.
Indications
L’indication à l’ANT se pose lors d’une accumulation de sécrétions dans l’arbre trachéobronchique, résultant « d’un déséquilibre entre le statut sécrétoire (volume et propriétés rhéologiques) et la capacité d’épuration de ces sécrétions » [JIKRI, 2000]. Ceci peut se présenter chez un patient dont la toux est rendue inefficace par altération de l’état général (situation de fin de vie, maladie neuro musculaire, situations d’épuisement, sédation, abus de toxiques), ou de douleurs (chirurgie thoracique, abdominale).
Contre-indications
Devant une situation justifiant une ANT, le kinésithérapeute doit prendre en considération les contre-indications éventuelles :
– fracture ou occlusion des voies nasales ;
– troubles de l’hémostase avec ou sans épistaxis : consulter le dossier ; voir le taux de prothrombine (TP), International normalized ratio (INR), plaquettes, facteurs à connaître, surtout en cas de traitement anticoagulant ;
– laryngospasme/bronchospasme ;
– épiglottite ;
– infections respiratoires supérieures ;
– antécédents d’accidents lors d’ANT ;
– chirurgie récente des voies respiratoires ou digestives hautes ;
– refus du patient.
En présence de l’une de ces contre-indications, il est impératif d’évaluer le cas avec le médecin référent du patient et de convenir d’un choix thérapeutique.
Méthode
Évaluation clinique
Les signes cliniques vont guider l’intervention du kinésithérapeute. Il réalise son bilan sur trois axes :
– observation : présence de sécrétions dans les cavités, bruits à la bouche, signes de dyspnée, signes de lutte respiratoire, coloration des téguments (cyanose), signes d’anxiété sur le visage du patient, sueurs, pâleur ;
– auscultation pulmonaire : souffle tubaire, ronchis, bruits adventices, stridor ;
– mesures : fréquence respiratoire, modifications hémodynamiques (TA, pouls), oxymétrie de pouls (SpO2), gazométrie (si disponible), PaO2, PcO2, Ph, HcO3, SaO2.
Préparation à l'ANT
– Inspections nasale, buccale et oro-pharyngée préalables, et nettoyage approprié si besoin pour prévenir la migration de paquets muqueux vers les voies aériennes sous-jacentes ;
– réalisation de techniques d’augmentation du flux expiratoire avant l’ANT afin de faire progresser l’encombrement de distal vers proximal ;
– fluidification : la viscosité des sécrétions est un élément primordial de l’efficacité de l’ANT. Il est donc important de favoriser leur fluidification par divers moyens :
- vérification du bilan hydrique ;
- utilisation de mucolytiques per os ou inhalés ;
- installation d’un système d’humidification.
■ Préparation du patient
Il convient avant tout de prévenir le patient quant au soin auquel on va procéder. S’il est conscient, il faut obtenir son consentement et, si possible, sa collaboration.
Il est vivement recommandé de réaliser les ANT à distance des repas afin de diminuer les risques d’inhalation sur reflux ou vomissement.
En présence d’une sonde naso-gastrique, il est important de vider l’estomac et de brancher la sonde sur une poche en déclive. La présence d’une prothèse dentaire sera vérifiée ; il est judicieux de l’enlever.
Ensuite, on installera le patient en position semi-assise et en extension du rachis cervical (fig. 1) pour permettre un alignement rhino-pharyngo-trachéal.
Figure 1 L'oxymètre est branché L'oreiller roulé sous les épaules permet l'hyperextension cervicale |
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RÉFÉRENCES
• Gouilly P, Darmency MJ (2000) JIKRI - Lyon, 2000 : http://www.akcr.fr/phocadownload/Archives_AKCR/JIKRI_recommandations/JIKRI_Recommandations_Evaluation_encombrement_voies_aeriennes.pdf (page consultée le 04/01/2013). |
© H. Tilly