Dyschésie et kinésithérapie
Pelvi-périnéologie et ano-rectalLa dyschésie est une difficulté d’exonération des selles. Ce trouble de la vidange rectale est aussi appelé constipation terminale ou distale par opposition à la constipation de transit liée à un trouble de la progression colique mais ces deux types de constipation peuvent être associés. La constipation est une difficulté persistante à la défécation, une sensation d’exonération incomplète et/ou des défécations peu fréquentes. Elle touche une personne sur cinq, plus souvent les femmes. Son impact sur la qualité de vie est important.
La dyschésie est souvent associée à d’autres pathologies pelvi-périnéales qu’elle complique et peut aggraver : incontinences anales ou urinaires, douleurs anales, rectales ou pelviennes, dysuries, syndrome de l’ulcère solitaire du rectum, prolapsus rectal ou anal, rectocèle, périnée descendant ou descendu, syndrome de l’intestin irritable.
Les modifications liées à l’accouchement comme les troubles du tonus sphinctérien, cicatrices, transit ralenti, hémorroïdes, fissure, rectocèle ou neuropathies d’étirement peuvent faire apparaître une dyschésie en post-partum ou aggraver une dyschésie pré existante.
Différents mécanismes peuvent être responsables de dyschésie :
Origine sphinctérienne :
Relaxation sphinctérienne impossible ou insuffisante : les muscles qui entourent le canal anal ne se relâchent pas lors de l’effort d’évacuation ce qui constitue un obstacle. Soit ils sont contractés en permanence et on parle d’hypertonie, soit ils se contractent au lieu de se relâcher, c’est l’asynchronisme ou anisme. Cette cause de dyschésie se retrouve souvent dans un contexte psychologique de stress, de traumatisme ou d’abus sexuel.
Origine périnéale :
Manque de tonus des muscles du plancher pelvien : les efforts de poussée effondrent l’ensemble du périnée sans vider le rectum, on parle de périnée descendant ou descendu, les efforts de poussée répétés accentuent progressivement la descente et la dyschésie.
Origine rectale :
Troubles de la statique rectale : la paroi interne du rectum descend dans le canal anal (prolapsus rectal) ou fait saillie dans le vagin (rectocèle) lors de la poussée et perturbent la vidange rectale. Les efforts de poussée répétés accentuent progressivement le prolapsus et la dyschésie.
Trouble de la sensibilité rectale : le rectum perd sa sensibilité et sa contractilité, soit parce que la vidange est trop tardive, soit pour une autre cause (maladie congénitale, prise de certains médicaments).
La dyschésie se caractérise par des signes subjectifs variables : efforts expulsifs importants en durée et en intensité, selles dures ou fragmentées, sensation d’exonération incomplète, sentiment de blocage anorectal ou d’obstruction, sensation de rectum plein, perte de la sensation de besoin, manœuvres manuelles ou digitales intra vaginales, intra anales ou péri anales nécessaires pour faciliter la défécation. Parfois des difficultés d’essuyage sont associées ou des salissures après la selle.
Le diagnostic repose sur des signes rapportés par le sujet lors de l’interrogatoire. La présence de deux ou plus des critères spécifiques cités plus haut pose le diagnostic.
La rééducation ano-rectale fait partie de la prise en charge des dyschésies. Elle est associée à un traitement médical qui vise à régulariser le transit le plus souvent. Le kinésithérapeute intervient au sein d’une équipe multi-disciplinaire (médecin généraliste et un gastro-entérologue ou colo-proctologue). Le kinésithérapeute peut aussi évoquer le diagnostic lors d’un bilan de rééducation périnéale ou post-natale. Dans ce cas il en informe le médecin prescripteur avec l’accord de la patiente.
La rééducation ano-rectale aborde une partie du corps difficile à exposer pour le sujet et vise des symptômes souvent anciens et tabous. Le kinésithérapeute s’attache à respecter la pudeur de chaque sujet et sollicite le consentement éclairé pour chaque geste. Les règles d’hygiène sont mises en œuvre soigneusement pour l’examen et les techniques de rééducation.
La rééducation des dyschésies est basée sur les résultats d’un bilan soigneux et précis permettant d’identifier le ou les mécanismes responsables. Le bilan comprend :
- Un interrogatoire : ce temps d’échange permet au patient d’exposer sa gêne, au kinésithérapeute d’exposer le traitement envisagé et favorise l’installation d’un climat de confiance. L’intérêt de l’examen endo-cavitaire est expliqué ainsi que celui des techniques d’enregistrement des données. Pour le confort de l’examen, la nécessité de vider le rectum au préalable est expliquée au sujet, au besoin en recourant à des dispositifs d’aide à l’exonération (suppositoires à libération gazeuse ou mini-lavements). Le kinésithérapeute montre le matériel qui sera utilisé.
- Un examen péri-anal pour rechercher les réflexes musculaires et les éventuelles anomalies,
- Un examen endo-cavitaire ano-rectal digital pour s’assurer de la vacuité rectale, évaluer l’intégrité et l’efficacité des muscles qui ferment le canal anal et la capacité du sujet à exercer une poussée.
- Un examen avec sonde double-ballons [1, 2, 3] précise le diagnostic. Cet instrument souple introduit délicatement ne génère pas de douleur et permet de mesurer objectivement les réflexes recto-sphinctériens, la sensibilité et le volume rectal, l’efficacité des muscles qui ferment le canal anal et la coordination recto-sphinctérienne. Le même outil permettra l’entraînement par bio-feed-back.
Figure 1 sonde double-ballons |
Figure 2 après insufflation |
Figure 3 bassin féminin, ballonnets dans le rectum |
Le kinésithérapeute met en œuvre la rééducation ano-rectale adaptée aux troubles relevés lors du bilan :
- Information et éducation thérapeutique , explique au sujet son fonctionnement digestif à l’aide de planches anatomiques, l’intérêt des régulateurs de transit prescrits, les conditions favorables à l’évacuation : respecter la sensation de besoin, un horaire favorable et régulier, une posture facilitatrice (pieds surélevés, écartés, hanches fléchies au-delà de 90°, coudes sur les genoux), intégrer les éléments perçus en bio-feed-back (relaxation du sphincter anal et du pubo-rectal), respiration diaphragmatique, si nécessaire poussée douce et progressive associée à une bonne relaxation du canal anal ou expiration freinée.
- Techniques manuelles, initient l’apprentissage et permettent au kinésithérapeute de vérifier la vacuité et l’indolence ano-rectale avant la mise en place de sonde.
- Entraînement par bio-feed-back [4] avec sonde double-ballons, adapté aux troubles retrouvés, recherche le réveil de la sensibilité rectale consciente, la capacité à contracter et relâcher les muscles qui entourent le canal anal, la capacité à exercer une poussée douce et la bonne coordination entre l’abdomen et les muscles sphinctériens.
- Techniques globales de rééducation : exercices respiratoires, massages et auto-massages, corrections posturales, entraînement adapté des muscles abdominaux.
Figure 4 exemple de tracé de bio-feed-back avec sonde double-ballons |
© H. Colangeli-Hagege
Mlle M. H., 26 ans, sans enfant, gênée par une constipation chronique depuis trois ans et des douleurs aux rapports. Le bilan montre une hypertonie sphinctérienne, une sensibilité rectale consciente normale, une contraction maximale volontaire faible et un volume maximal tolérable très insuffisant. L’examen vaginal montre une hypertonie périnéale, l’examen abdominal montre un abdomen tendu. Les six séances de rééducation prescrites ont associé techniques manuelles, bio-feed-back ano-rectal par sonde double-ballons, respiration, relaxation. Elles ont permis d’obtenir une meilleure vidange rectale. Mlle H. a appris à détendre les muscles qui entourent le canal anal, les muscles de son plancher pelvien et ses muscles abdominaux. Elle n’a plus de douleurs aux rapports. Elle a appris des exercices susceptibles de l’aider et les pratique régulièrement.
La rééducation ano-rectale des dyschésie est délivrée par des kinésithérapeutes ayant acquis une formation spécifique théorique et pratique (comme celle délivrée par l’INK) et équipés d’un matériel adapté. La liste des kinésithérapeutes formés par les experts de l’ARREP peut être consultée par ville ou département après demande à l’adresse arrep@free.fr