Canal lombaire étroit et kinésithérapie
Rachis et troncCe qu’on appelle « canal lombaire étroit » est l’obstruction du canal médullaire, le trou à l’intérieur de la vertèbre par lequel passe la moelle épinière. Cette obstruction est essentiellement liée à la dégénérescence arthrosique des éléments articulaires, discaux et ligamentaires. L’âge de prédilection est au-delà de 60 ans.
La première cause est le phénomène ostéophytique des articulaires postérieurs qui obstrue le canal médullaire. Cela correspond au gonflement des articulations au cours de l’évolution de l’arthrose.
Deux autres causes participent à ce rétrécissement, l’épaississement des ligaments interlamaires (ex. : ligaments jaunes) et le débord discal circonférentiel. L’épaississement des ligaments jaunes correspond à la réaction biomécanique consécutive à une contrainte répétée qui produit une production de collagène. Ces ligaments sont mis en contrainte lors de flexion du rachis lombaire, c’est-à-dire en se penchant en avant.
Le disque intervertébral, selon le modèle discal de McKenzie, est plus contraint par la flexion qui provoque un recul du noyau à l’intérieur de l’anneau fibreux.
Il existe des formes constitutives et acquises. La taille du canal peut être mesuré à l’IRM ou au scanner (fig. 1). La taille moyenne du diamètre sagittal est de 16 mm. Toutefois, il existe des variables anatomiques selon les individus. Les formes inférieures à 13 mm sont considérées comme étroites, elles seront d’autant plus sensibles aux phénomènes ostéophytiques, à l’épaississement ligamentaire et à la dégénérescence discale. Le scanner est un bon moyen de mesure.
Figure 1 |
© Xavier Dufour
Deux signes cliniques prédominent : la douleur bilatérale dans les membres inférieurs qui accompagne une douleur lombaire diffuse et la claudication (boiterie) intermittente.
La claudication intermittente nous rappelle la pathologie vasculaire artéritique. En cas de canal lombaire étroit, la compression se produit d’abord sur les structures vasculaires contenues dans la dure-mère (enveloppe périphérique de la moelle épinière), plus que sur les nerfs à proprement parler. Les signes cliniques sont d’ordre vasculaire plus que neurologique pur. Les irradiations sont bilatérales (contrairement à la hernie discale ou au spondylolisthésis).
Les douleurs sont majorées lors de la marche et la station debout prolongée, et réduites lors de la flexion et de la station assise. Si le changement de position ne change rien à la taille du canal médullaire de chaque vertèbre, il modifie le volume global du canal médullaire par rapprochement des arcs postérieurs en extension, ce qui a pour effet de réduire le canal et de comprimer la moelle épinière. La flexion produit un écartement qui augmente le volume du canal et réduit ainsi la compression globale. Les signes dans les membres s’en trouvent ainsi réduits.
Le diagnostic repose prioritairement sur les signes cliniques énoncés précédemment :
– douleurs bilatérales ;
– claudication intermittente ;
– âge supérieur à 60 ans.
Il peut être confirmé par le scanner et l’IRM.
La radiographie standard n’est d’aucun secours pour confirmer le diagnostic car elle n’évalue pas le bon plan anatomique.
Dans certains cas spécifiques, la sacro-radiculographie, par injection d’un produit de contraste dans la moelle épinière, permet de mettre en évidence un rétrécissement du canal et un arrêt de la circulation intramédullaire.
Sur prescription médicale, le kinésithérapeute va débuter son intervention par la réalisation d'un diagnostic visant à identifier le niveau d’atteinte et un bilan initial pour objectiver les signes cliniques, le retentissement fonctionnel et la qualité de vie.
Dans les formes débutantes, à faible retentissement fonctionnel, le kinésithérapeute peut agir selon trois axes :
– libérer les structures rétractées (fig. 2 à 5) (massage a minima, techniques musculaires visant à libérer les tensions) ;
– renforcer les muscles affaiblis notamment lorsque les symptômes sont anciens ;
– entretenir par l'éducation thérapeutique.
Dans les formes plus sévères, l’intervention du kinésithérapeute reste relativement limitée.
Si la rétroversion permet de réduire la lordose et la compression, celle-ci nécessite une mobilité de coxo-fémorale (hanche) en extension, souvent difficile vu l’âge moyen d’apparition de la pathologie.
Deux principes sont à rechercher : la mobilité sus- et sous-jacente et la non douleur.
En cas de forme évoluée, la seule solution rationnelle reste la chirurgie par laminectomie qui vise à ouvrir le canal médullaire. Le rôle du kinésithérapeute peut être de réorienter le patient pour avis chirurgical.
Figure 2 Étirement des muscles de la hanche |
Figure 3 Technique de mobilisation vertébrale |
Figure 4 Traitement manuel des fascias |
Figure 5 |
© Xavier Dufour
La prévention consiste à lutter contre le phénomène ostéophytique et arthrosique, vaste sujet polémique.
Les compléments alimentaires pour lutter contre l’arthrose n’ont pas prouvé leur efficacité, toutefois certains patients trouvent un bénéfice.
Pour certains, c’est l’extension qui produirait le phénomène arthrosique, même si nous pensons que la contrainte est majorée en flexion car elle s’accompagne d’un glissement antérieur de la vertèbre avec une diminution de la surface de contact.
Un patient de 80 ans vient consulter sur prescription médicale (de son généraliste) pour des douleurs lombaires avec irradiation dans les deux membres inférieurs après 100 mètres de marche environ. Ces douleurs deviennent invalidantes et nécessitent un arrêt après 500 mètres.
N’ayant pas de scanner ou d’IRM, le traitement symptomatique des douleurs est commencé dès les premières séances pour agir sur les déficits de mobilité du patient et pour réduire les douleurs musculaires. Dans le même temps, le rhumatologue est consulté pour avis sur le canal médullaire et objectivation par le scanner.
Pendant 3 semaines, les séances de kinésithérapie sont poursuivies pour leur effet antidouleur et le confort apporté, mais sans réelle modification du périmètre de marche. Puis les résultats du scanner tranchent en faveur d’un canal lombaire étroit avec rétrécissement significatif et mesuré à 10 mm.
Sur les conseils du kinésithérapeute, malgré l’avis réservé du rhumatologue, ce patient consulte un chirurgien spécialisé dans le rachis. L’intervention est programmée un mois plus tard.
Le patient continue ses séances « antidouleur » jusqu’à l’intervention, puis reprend la rééducation 15 jours après l’intervention pour un mois.
Six semaines après l’intervention, les douleurs sont résorbées et le périmètre de marche est retrouvé sans douleur dans les membres inférieurs.