Asthme bronchique et kinésithérapie
Respiratoire et Cancer du seinL’asthme bronchique est une maladie respiratoire inflammatoire chronique obstructive fréquente en France : environ 1 million de personnes traitées en 2007. Depuis plusieurs décennies, comme dans la plupart des pays industrialisés, son incidence est en régulière augmentation en France : pollution atmosphérique, tabagisme, exposition accrue aux allergènes, tant urbains que ruraux, tant à l’intérieur des habitations qu’à l’extérieur…
Ses principaux signes sont une difficulté à respirer (dyspnée) avec une sensation d’oppression thoracique, une respiration sifflante, tout particulièrement à l’expiration (sibilances) avec ou sans frein expiratoire et autres signes de gravité (tirages, balancement…), et une augmentation des fréquences respiratoire (polypnée) et cardiaque (tachycardie). Ces signes, se majorant toujours à l’effort, voire même pouvant l’empêcher, sont dus à la fermeture anarchique plus ou moins étendue des bronches (bronchospasme) et à leur obstruction (œdème et encombrement muqueux). A chacun des mécanismes de la fermeture et de l’obstruction bronchique peut correspondre un traitement symptomatique.
L’asthme bronchique, dit aussi maladie asthmatique, peut s’exprimer dans différents contextes et de différentes façons (dyspnée continue et/ou aiguë = exacerbation ou crise). Ainsi on différencie l’asthme primaire à dyspnée continue (asthme chronique dit aussi intrinsèque) de celui, secondaire ou acquis, dit aussi extrinsèque, lié à l’exposition à des agents toxiques respiratoires (tabac, polluants atmosphériques et/ou professionnels…) D’autre part, la gêne respiratoire peut être intermittente, ne se produisant qu’en certaines circonstances. Enfin, la crise d’asthme aiguë (AAG pour asthme aigu grave) peut imposer l’admission en réanimation et la cohorte des traitements invasifs, respiratoires, cardiaques et rénaux, qu’elle suppose… Actuellement on déplore environ 1500 décès annuels par exacerbation de la maladie asthmatique en France.
Ainsi, bien qu’assez fréquente, la maladie asthmatique ne doit être en aucun cas négligée car des traitements efficaces, préventifs et/ou curatifs, souvent peu contraignants, existent et permettent une vie normale lorsqu’ils sont bien adaptés et conduits…
La reconnaissance de la maladie asthmatique repose essentiellement sur l’examen et l’entretien clinique : observation, auscultation, histoire de la maladie, antécédents personnels et familiaux… Les Epreuves Fonctionnelles Respiratoires (EFR), de même que la gazométrie artérielle (les gaz du sang = GDS) et la radiographie thoracique (face et profil) apportent des arguments supplémentaires pour le diagnostic et donc l’adaptation du traitement et permettent le suivi de l’évolution de la maladie. De plus, un examen cytobactériologique des crachats (ECBC) peut permettre de déceler l’origine d’une décompensation aiguë. Une exploration de la fonction cardiaque peut être aussi utile (asthme dit cardiaque par insuffisance ventriculaire gauche réalisant une surcharge pulmonaire dont le traitement est très différent celui de l’asthme bronchique : diurétiques et traitement, médical ou chirurgical, de l’insuffisance cardiaque…)
La maladie asthmatique est évolutive et volontiers protéiforme. Ses traitements sont donc variés et doivent être parfois souvent réadaptés (asthme instable), âge faisant par exemple, en fonction de l’évolution individuelle de la maladie…
L’asthme ne se guérit pas mais se traite maintenant très bien et à moindre contraintes, cout et complications, sauf rares exceptions. Son traitement est principalement médical et est tant celui du fond que celui de l’exacerbation éventuelle (crise).
Le traitement médical de fond (contrôle de l’inflammation chronique des bronches) permettant de prévenir la survenue des exacerbations (crises) repose principalement sur les corticoïdes inhalés : budésonide (Pulmicort®, Symbicort®…) ou dexamétasone (Auxisone®…) Classiquement, ce traitement, administré par voie inhalée, doit être pris chaque jour, le plus souvent à raison de deux prises quotidiennes : une le matin et l’autre le soir. On peut y associer des bronchodilatateurs de longue durée d’action : β2 sympathicomimétiques : formoterol (Foradil®…) et/ou anticholinergiques : tiotropium (Spiriva®…) ne nécessitant le plus souvent qu’une à deux prises quotidiennes. Les antileucotriènes : montélukast (Singulair®…) peuvent permettre la stabilisation d’asthmes mal contrôlés par les bronchodilatateurs classiques. Il existe des formes galéniques associant plusieurs de ces molécules, limitant ainsi le nombre de prises quotidiennes : Symbicort®, Séretide®, Sérévent®… En cas d’asthme allergique la diminution ou la suppression de l’exposition aux allergènes est de mise (reclassement professionnel, changement de lieu de vie…). Le sevrage tabagique est une nécessité absolue. L’activité physique contrôlée et régulière n’est pas interdite et est même le plus souvent conseillée.
Le traitement médical de l’exacerbation (crise) repose sur les bronchodilatateurs d’action rapide mais de courte durée : β2 sympathicomimétiques : salbutamol (Ventoline®…), terbutaline (Bricanyl®…) et anticholinergiques : ipratropium (Atrovent®…) administrés par voie inhalée ou veineuse périphérique (perfusion)…
Le rôle du kinésithérapeute est avant tout préventif et éducatif (écoles de l’asthme) même si son intervention ponctuelle au cours de la crise peut être parfois déterminante (désencombrement bronchique (fig. 1a et 1b), prélèvement bronchique à visée diagnostique en cas de surinfection bronchique par exemple)... Comme pour d’autres maladies chroniques nécessitant un traitement médical au long cours (diabètes par exemple…) l’éducation du patient à sa maladie et à ses traitements, préventifs et curatifs, est primordiale et a fait la preuve de sa très grande efficacité. La technique de prise des médicaments administrés par voie inhalée (sprays : fig. 2) le plus souvent mais aussi, parfois, nébulisation en continu) doit être soigneusement enseignée et régulièrement contrôlée. La mesure systématique quotidienne du débit expiratoire de pointe (DEP ou Peak flow) (fig. 3) n’a pas fait la preuve de sa capacité à diminuer le nombre et l’intensité des décompensations mais celle de ses effets anxiogènes semble maintenant bien établie !!! Le patient doit être le plus autonome possible une fois le traitement médical adapté au mieux. Enfin, l’enseignement de techniques de relaxation peut se révéler très utile afin de prévenir la survenue des crises chez des sujets volontiers anxieux.
Figures 1a et 1b |
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Figure 2 |
Figure 3 |
Mme M…, aide soignante en exercice âgée de 26 ans, consulte le 22 juillet 20.. au service des urgences pour une dyspnée d’intensité croissante depuis 48 heures. A part un asthme atopique (d’origine allergique) précoce instable corticorequérant et un reflux gastro-œsophagien (RGO) elle ne présente pas d’antécédents notables, sauf un tabagisme toujours actif commencé à l’âge de 14 ans et estimé à 9 paquets-année (PA) : 15 cigarettes par jour pendant 12 ans. Son traitement habituel se compose de : un antileucotriènes, le montélukast (Singulair®) par voie générale, l’association d’un corticoïde, la fluticasone, et d’un β2 mimétique de longue durée d’action, le salmétérol (Sérétide®) par voie inhalée (spray), un corticoïde par voie générale, la prednisone (Cortancyl®) et un antihistaminique (antiallergique), la lévocétirizine (Xyzall®) par voie générale. Le tout peut être complété si besoin par des aérosols (nébulisation en continu) de bronchodilatateurs d’action rapide mais de courte durée : la terbutaline (Bricanyl®) et l’ipratropium (Atrovent®).
A l’examen clinique initial la patiente présente une respiration sifflante (sibilances bilatérales à l’auscultation), sans asymétrie, avec un frein expiratoire (muscles abdominaux actifs à l’expiration), sans signes cardiaques ou neurologiques. Il n’y a pas d’expectoration et pas de fièvre. Le DEP est mesuré à 250 L x mn-1 pour une normale chez la patiente à 480 L x mn-1.
La radiographie du thorax montre une distension sans autre signe. L’électrocardiogramme (ECG) est normal. Les gaz du sang (GDS) en air ambiant (AA) ne montrent pas d’hypercapnie et sont globalement corrects (normoxie, normocapnie et pH normal).
A l’interrogatoire la patiente décrit une exacerbation de son tabagisme associée à une baisse brutale de la prise des corticoïdes, passant de 40 mg à 20 mg/jour, apparemment en raison d’une mauvaise compréhension de son ordonnance. Après avis pneumologique, la patiente est placée sous corticoïde par voie intraveineuse (IV) : méthylprednisolone (Solumédrol®) à raison de 60 mg 2 fois par jour et sous aérosols bronchodilatateurs (Bricanyl® + Atrovent®) 3 fois par jour en l’attente de son transfert en service de pneumologie qui a lieu le lendemain.
En pneumologie l’évolution est lentement favorable avec la poursuite de ce traitement. Les corticoïdes par voie IV sont progressivement remplacés par les corticoïdes par voie orale (per os). La patiente se voit soigneusement réexpliquer son traitement et la nécessité de le poursuivre même en l’absence de signes de difficulté respiratoire. On lui réexplique aussi l’impérieuse nécessité du sevrage tabagique. A cet effet on lui prescrit des patch cutanés de nicotine (Nicopatch® 21 mg) et on lui propose de prendre rapidement rendez-vous en tabacologie. D’autre part, on lui propose d’assister à quelques séances de l’école de l’asthme afin de mieux lui expliquer sa maladie et ses traitements. Enfin, la patiente accepte de faire quelques séances de kinésithérapie respiratoire afin de mieux contrôler sa ventilation (notion de syndrome d’hyperventilation) et d’optimiser la prise des traitements inhalés.
La patiente sort à domicile après 5 jours d’hospitalisation en pneumologie avec 5 jours d’arrêt de travail, le traitement médical ambulatoire ayant été réadapté. Elle sera revue dans deux mois pour un nouveau bilan comprenant notamment les EFR qui n’ont pu être pratiquées durant cette hospitalisation en raison de son instabilité …