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Réécriture de la NGAP :
Un chantier de longue haleine

Jean-Pierre Gruest, Alexandra PICARD
Kiné actualité n° 1562 - 26/03/2020

Le 18 mars s'est tenue une nouvelle réunion de travail entre partenaires conventionnels dans le cadre de la refonte de la nomenclature, prévue par l'avenant 5. Elle fait suite à celle du 14 janvier, après quasiment une année de pause. Le point sur ce dossier complexe qui impactera votre exercice.



Il aura fallu quasiment 1 an avant que les discussions conventionnelles avec la Cnam reprennent sur la réécriture de la NGAP, entamée en janvier 2017 avec les 2 syndicats représentatifs de la profession (FFMKR et UNSMKL) en vue de “la mise en place d’une nomenclature descriptive permettant une meilleure appréhension et connaissance de l’activité des masseurs-kinésithérapeutes”. Comme l’expliquait la Cnam dans ses orientations sur l’avenant 5 à la convention des masseurs-kinésithérapeutes, en permettant de “distinguer réellement les actes effectués”, cette nouvelle NGAP aiderait à “mieux appréhender et valoriser l’activité de masso-kinésithérapie en tenant compte des techniques actuelles, d’effectuer une analyse et un suivi médico-économique plus précis des actes dispensés”.

“L’avenant 5 a écarté les syndicats de cette réforme au profit des sociétés savantes, dont le Collège de la masso-kinésithérapie. Seuls les principes de cette réécriture ont été posés par les partenaires conventionnels, notamment le fait que toute réforme doit conduire à un usage simple et présentant peu de risques en matière d’interprétation”, rappelle Ludwig Serre, ancien secrétaire général à la vie conventionnelle de la FFMKR, qui a suivi les premières réunions de travail.

Pour résumer, “l’Uncam souhaite une nomenclature traçante, qui lui permettrait de savoir précisément qui fait quoi et à quoi sert l’argent, car aujourd’hui une même cotation couvre plusieurs actes. Ce n’est pas gérable pour elle, car elle ne sait pas quelle pathologie est traitée, ni en combien de séances. Cela lui permettrait donc de distinguer les pathologies sous référentiel et de s’assurer qu’ils sont bien respectés. Cette traçabilité est également intéressante pour elle car cela lui permettra d’identifier les actes qui concentrent le plus de dépenses et ainsi d’orienter les éventuelles revalorisations tarifaires. C’est ce qui arrivé avec les avenants 5 et 6 qui ont vu l’augmentation d’actes très spécifiques, notamment en neurologie”, explique Yann Chapotton, vice- président de la Fédération.

Une nomenclature descriptive, mais pas trop
La réécriture de la nomenclature a débuté par celle de l’article 1er du chapitre II, portant sur les affections traumatologiques et rhumatologiques actuellement cotées en AMS 7,5 ou 9,5. Les premiers travaux ont conduit l’Uncam à proposer plusieurs critères cumulatifs de description : la nature de la pathologie, sa localisation, l’objectif de l’acte (curatif, entretien ou antalgique), ainsi que les techniques employées. L’UNSMKL a proposé une méthode encore plus complexe, avec des cotations s’appuyant sur des critères encore plus nombreux et variés. La FFMKR a au contraire défendu la préservation d’une “nomenclature simple, et non de type usine à gaz où les conditions seraient trop descriptives”, entraînant une surenchère d’actes. “Nous ne voulons pas que cette nouvelle NGAP devienne source d’erreurs et qu’elle soit utilisée pour réclamer des indus aux kinésithérapeutes”, insistait alors Ludwig Serre, qui appréhendait “une surcharge administrative invivable pour les praticiens, d’autant plus qu’ils n’en tirent pas de revenus ni d’amélioration de leurs pratiques”. La fédération souhaitait aussi que la NGAP soit centrée sur le patient et les pathologies, et exclue toute codification d’actes basés sur des techniques appliquées, des formations professionnelles complémentaires ou encore la finalité de l’acte sous peine que les kinésithérapeutes perdent leur libre choix quant à leurs techniques.

“Le problème c’est que la cotation est aujourd’hui dans la prescription du médecin qui, généralement, ne connaît pas notre métier. C’est donc souvent mal décrit et sous-coté, ce qui se traduit potentiellement par des indus”, explique Yann Chapotton, pour qui “le modèle idéal serait celui des orthophonistes, dans lequel le bilan détermine la rééducation et donc la cotation, qui serait sans doute plus adaptée !”. Pour Ludwig Serre, “il existe aujourd’hui une sous-évaluation économique de certains actes : ni le temps, ni le matériel, ni l’intérêt en termes de santé publique, ni l’engagement humain ne sont pris en considération dans certaines situations. Il faudrait donc déterminer s’il serait plutôt souhaitable de disposer d’un modèle de tarification basé sur le coût réel de l’acte (coût matériel, intellectuel et humain), d’un modèle à tarif unique ou si l’on s’inscrit dans un modèle hybride amalgamant les 2 précédents. Cette question dépasse la simple demande légitime d’une juste revalorisation, elle induit de nombreuses réalités telles que la garantie de répondre à la demande réelle de soins, la problématique des exercices spécifiques, etc.”

“Notre NGAP ne répond pas aux recommandations de l’OMS”

“Avec l’actuelle NGAP, le principe du soin est réduit à un acte technique. Elle conforte le praticien dans un rôle de technicien, du moins dans la façon de concevoir le traitement si on la suit à la lettre. Or les préconisations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) nous orientent davantage vers une prise en charge globale de la personne, avec un schéma correspondant au modèle biopsychosocial, qui reste le modèle de soin le plus complet et le plus abouti. La NGAP ne correspond en rien à ces recommandations puisqu’elle privilégie l’inverse, à savoir la pathologie et la localisation des douleurs perçues, par exemple.

Modifier cela suppose de changer de système, et ça commence à arriver avec l’exercice coordonné. On pourrait ainsi imaginer que, dans le cadre encore expérimental du paiement à l’épisode de soin, plusieurs professionnels de santé interviendront autour d’un patient porteur d’une pathologie. On voit ici une notion nouvelle de suivi d’un patient, et plus d’une pathologie. Ce qui correspond déjà mieux à la vision biopsychosociale recommandée, d’autant plus que le médico-social s’invitera nécessairement et que la coopération ville-hôpital sera également privilégiée.

J’ai conscience qu’un tel chambardement des pratiques et des consciences n’est pas encore prêt à être mis en place, et que des expérimentations seront nécessaires à ces nouveaux fonctionnements. Charge à la profession d’être présente dans ce dispositif et d’être assez perspicace pour réussir ce projet qui est dans les cartons depuis plus de 12 ans.”

Laurent Rousseau, premier secrétaire général de la FFMKR

Permettre l’ajout de nouveaux actes
La réunion du 14 janvier dernier a permis aux membres du groupe technique de revenir sur le projet de réécriture de l’article 1 présenté par les sociétés savantes lors de l’Observatoire conventionnel du 26 mars 2019. La nouvelle version compte 50 actes, contre 6 actuellement : 11 concernent le rachis, suivant la localisation et le contexte chirurgical ; 16 le membre supérieur, en fonction de la présence d’un référentiel, de la localisation et/ou du contexte chirurgical ; 14 le membre inférieur, suivant les mêmes critères, et 9 traitent d’autres situations (plus de 2 membres atteints, rééducation des déviations du rachis et amputations). Une proposition très éloignée de celle portée par la FFMKR, qui avait soutenu le principe d’une identification des seuls actes relevant des référentiels. “Nous allons nous assurer désormais que l’ensemble des pathologies sont bien couvertes, afin d’éviter toute erreur de cotation possible. Nous voulons qu’il n’y ait aucun risque d’avoir 2 cotations différentes pour un même acte. Il ne doit y avoir aucun doute possible pour prévenir et limiter toute procédure de réclamation d’indus liée à une divergence d’interprétation entre la prescription médicale et la NGAP”, explique Thomas Prat, en charge de la vie conventionnelle à la Fédération depuis novembre 2019.

La réunion du 18 mars a permis d’aborder la réécriture des articles 2 et suivants. À l’inverse de l’article 1er, ce sont les partenaires conventionnels qui sont désormais forces de proposition. Le résultat de leurs travaux sera ensuite soumis aux sociétés savantes pour validation. “Ce devrait être plus facile”, estime Thomas Prat, pour qui l’un des enjeux majeurs est que “cette NGAP soit la plus simple d’utilisation possible afin que les kinésithérapeutes puissent s’en emparer sans peine.”

Plutôt que de coter directement un acte avec un code et une lettre clé, l’une des pistes envisagées serait d’instaurer un cheminement (par exemple : orthopédie → membre supérieur → main → fracture, etc.) qui permettrait de déterminer de façon sûre une cotation en quelques clics. “Nous réfléchissons également à la façon de diminuer le nombre de codes tarifaires en les dissociant de la codification de l’acte, ce qui permettrait sans doute de limiter les problèmes d’indus. On pourrait aussi attribuer une lettre clé par pathologie ou par thème (orthopédie, neurologie…) correspondant aux 12 articles existants.” Tout ce qui sera modifié fera l’objet de discussions entre les représentants de la Cnam et de la profession, avec des tests et des cotations “à blanc” pour voir si c’est faisable ou pas, et ce qui ne va pas. La FFMKR souhaite aussi que cette refonte permette l’ajout de nouveaux actes : prise en charge des vertiges paroxystiques positionnels bénins (VPPB), douleur chronique, déformations crâniennes positionnelles, etc. Une idée que la Cnam s’est déclarée disposée à étudier “dès lors que des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) existent”. Dans ce cadre, à l’issue de la réunion du 14 janvier, la Fédération a adressé par courrier une demande officielle au département des actes de la Cnam afin d’ajouter à la NGAP la prise en charge kinésithérapique des VPPB en s’appuyant sur les recommandations de 2017. En vain.

Un gros travail de pédagogie en vue
“L’écriture complète de la NGAP et son intégration dans les systèmes informatiques de la Cnam et nos logiciels métiers vont prendre du temps, sans oublier les négociations tarifaires pour son application. Il reviendra alors à l’assurance maladie et aux syndicats d’effectuer un important travail de pédagogie pour expliquer aux kinésithérapeutes les bénéfices qu’ils peuvent en tirer, notamment si elle se traduit par moins de réclamations d’indus, sous peine de la voir délaissée”, explique Thomas Prat, qui table sur “encore 1 ou 2 ans de travaux”.

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